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Article cheval du bestiaire d’ Aberdeen


Traduction du texte du bestiaire d’ Aberdeen, vers 1200, f°22r – 23v :1 [1]


Certains chevaux reconnaissent leur maître, et si celui-ci vient à changer, oublient leur entraînement. D’autres ne laissent personne monter sur leur dos excepté leur maître – nous allons donner un exemple de ceci.


Le cheval du renommé Alexandre le Grand s’appelait Bucéphale, soit à cause de son apparence sauvage, ou à cause de sa marque – il avait une tête de taureau brûlée sur son épaule – ou à cause des pointes de petites cornes qui avaient poussé sur son front. Bien qu’il fut chevauché parfois, sans résistance de sa part, par son valet d’écurie, à partir du moment qu’il portait la selle royale, il ne daignait plus porter quiconque que son maître le roi. Il y a de nombreux récits de ce cheval dans des bataille dans lesquelles, grâce à lui, Alexandre traversa sain et sauf  les plus terribles combats. Le cheval de Gaius Caesar n’autorisait personne sur son dos hormis Caesar. Lorsque le roi des Scythes fut tué en combat singulier, son adversaire victorieux chercha à piller son corps mais il fut malmené par le cheval du roi, qui le frappa et le mordit. Lorsque le roi Nicomedes fut tué, son cheval se laissa mourir de faim. Lorsqu’ Antiochus conquis les Galates, il sauta sur le cheval d’un général, Cintaretus, qui était tombé à la bataille, pour continuer à se battre. Mais le cheval réagit tellement au mors qu’il se laissa tomber délibérément, se blessant et blessant son cavalier dans la chute.


Dans cette espèce d’animal, les mâles vivent plus longtemps. En fait, nous avons lu que des chevaux avaient vécu soixante-dix ans. Nous notons aussi qu’un étalon, nommé Opuntes,  a sailli jusqu’à l’âge de quarante ans. Chez les juments, le désir sexuel est atténué lorsque leur crinière est taillée; lorsqu’elle mettent bas, un charme d’amour apparaît, que les poulains portent sur leur front, de couleur fauve, comme une touffe de laîche, appelé hipponenses. S’il est enlevé immédiatement, la mère ne donnera en aucun cas ses mamelles au poulain pour l’allaiter. Plus un cheval plonge ses narines lorsqu’il boit, meilleures sont ses chances.


Les chevaux pleurent leur maître mort ou mourant. On dit que seul le cheval pleurent les hommes et ressentent la tristesse à leur propre compte. Suite à cela, les caractéristiques des chevaux et des hommes se mêlent dans les centaures. Les hommes chevauchant en bataille peuvent déduire du moral de leur monture, ce que sera l’issue.


Comme le disaient les anciens, tous s’accordent à dire que dans un cheval de bon pedigree, vous recherchez quatre choses : forme, beauté, tempérament et couleur.


Pour la forme, le corps doit être sain et ferme; sa taille compatible avec sa force; des flancs longs et étroits; des hanches, grandes et arrondies; un torse large; le corps entier tenu par l’épaisseur de ses muscles; des sabots secs, soutenus par une fourchette courbe.


Pour la beauté: sa tête devrait être petite et sèche; la peau tendue contre ses os; les oreilles, courtes et soignées; les yeux, grands, les narines larges et le cou tendu; la crinière et la queue, épaisses; les sabots fermement incurvés.


Pour le  tempérament: il doit être d’un esprit vif, au pied léger, aux membres frémissants  – un signe de courage; il devrait être facile à réveiller quand il est au repos, et une fois mis au galop, il ne devrait pas être difficile à contrôler. Vous pouvez juger de quoi est capable un cheval aux mouvements de ses oreilles, son courage au frémissement de ses membres.


Les principales couleurs que l’on trouve sont: bai, doré, rosé, alezan, rouge fauve, jaune pâle, bleu-gris, pommelé, gris clair, blanc éclatant, blanc ordinaire, pie et noir. Viennent ensuite des robes variées à base de noir ou de bai; les autres mélanges ou ceux qui sont couleur de cendre sont les moins estimées.


D’après les Anciens, un bai, badius, était un cheval puissant, parce que parmi les autres animaux son allure était plus forte. Le même cheval était appelé spadix ou fenicatus, brun datte, du palmier que les Syriens nomment spadix. Le bleu-gris, glaucus, est comme la couleur des yeux, peints et nimbés d’éclats. Le jaune pâle, gilvus, est mieux décrit par la couleur ‘écru’. Un cheval pie, guttatus, est blanc, tacheté de noir. Les blancs éclatant et ordinaires, candidus et albus, se différencient l’un de l’autre. Le blanc ordinaire a une sorte de pâleur, mais le blanc éclatant est comme la neige, nimbé de pure et éclatante lumière. Le gris clair, canus, est ainsi appelé parce qu’il se compose de blanc éclatant et de noir. Un cheval pommelé, scutulatus, tient son nom de de ses tâches circulaires, semblables à des boucliers, de blanc éclatant et de brun foncé. Un cheval bigarré, varius, est ainsi appelé parce qu’il a des rayures de différentes couleurs. Ceux qui ont les pieds blancs sont appelés petili; ‘pieds fins’; ceux avec  le front blanc callidi, ‘têtes chaudes’. Le cheval rouge-fauve, cervinus,  est communément appelé gaurans. Le cheval appelé vosinus est ainsi nommé en raison de  sa couleur qui est celle de l’âne, dont la robe est aussi couleur de cendres. Ces derniers se rencontrent dans la région, élevés à partir de l’espèce que nous appelons equiferi, des chevaux sauvages, et qui ne peuvent donc effectuer le changement  pour le statut domestique. Le cheval nommé mauron, un maure ou arabe, est noir, parce que le mot grec pour un homme de couleur noire est mauron. Un cob2 [2], mannus, est une catégorie de cheval plus petit, communément appelé brunius ‘un brun’. Les Anciens nommaient les chevaux de poste veredi, parce qu’ils tiraient des chariots, vehere redas, ceci, car ils les tiraient ou parce qu’ils allaient sur les grandes routes, via, sur lesquelles, reda, ont l’habitude d’aller.


Il y a trois sortes de chevaux. Le premier est le noble cheval de guerre, capable de porter de lourdes charges; le second est le cheval de tous les jours, utilisé pour tirer des charges mais qui ne convient pas pour la monte. Le troisième est né d’un croisement de différentes espèces, et est aussi appelé bigener, hybride, car il est né de parents différents, comme une mule.


Le mot mulus, mule, vient du grec. Elle est appelée comme cela en grec car sous le joug du meunier, elle tire les lourdes meules, mola, dans un cercle pour écraser le grain. Les Juifs disent que Ana, le fils de l’arrière petit-fils d’Esau, était le tout premier a avoir entendu parlé de troupeaux de juments montées par des ânes dans le désert, de sorte qu’il en résultait de nouveaux animaux nés de différents géniteurs – contre nature. On dit que les ânes sauvages étaient aussi mis avec des ânesses et que le même type de croisement était obtenu pour produire des ânes  plus rapides3 [3]. L’activité humaine a en effet réuni des variétés différentes d’animaux pour la reproduction. Et à partir de ce croisement adultère l’homme a produit de nouvelles espèces, tout comme Jacob a obtenu des animaux de la même couleur – aussi contre nature. Pour que ses brebis conçoivent des  agneaux de la même couleur que le bélier qui les montait, elle regardaient leur reflet dans l’eau. Enfin, on dit que la même chose se produit avec des troupeaux de juments, auxquels l’homme mettait de nobles étalons en vue de celles qui étaient prêtes à concevoir, pour qu’elles puissent concevoir et créer une progéniture à l’image de l’étalon. Les éleveurs de pigeons placent des images des plus beaux pigeons aux endroits où ils se regroupent, pour capter leur regard, de sorte qu’ils puissent produire des petits qui leur ressemblent. C’est pour cette raison que les gens ordonnent aux femmes enceintes de ne pas regarder des animaux à l’apparence très laide, comme des singes à tête de chien ou des singes, car elles pourraient porter des enfants qui ressembleraient aux choses qu’elles ont vues. C’est pour cela que l’on dit qu’il est de la nature des femmes d’enfanter une progéniture qui ressemble à ce qu’elles regardent ou imaginent au plus fort de leur ardeur lorsqu’elles conçoivent; les animaux, en effet, lorsqu’ils s’accouplent, transmettent intérieurement les formes qu’ils voient à l’extérieur et, imprégnés de ces images, prennent cette apparence pour la leur.


Parmi les créatures vivantes, le nom de ‘hybride’ est donné à celles provenant de l’accouplement de deux espèces différentes, comme la mule d’une jument et d’un âne, le bardot d’un étalon et d’une ânesse, l’hybride de l’ours sauvage et de la truie, est appelé tyrius, celui de la brebis et du bouc, et le mouflon celui de la chèvre et du bélier ; le mouflon est le chef du troupeau. »



 

 

 Fiche réalisée par l’association Aisling-1198

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(remplacer le – par @)


Last updated: mardi 22 décembre 2015


Notes :

  1. Traduction Artaud à partir de la transcription anglaise du site officiel du bestiaire d’ Aberdeen : http://www.abdn.ac.uk/bestiary/translat/22r.hti [4] [ [5]]
  2. cheval de selle ou de trait léger, souvent issu du croisement d’un cheval de selle et d’un cheval de trait. [ [6]]
  3. fleet of foot : rapide, aux pieds ailés… [ [7]]
[8] [9]