Introduction du Livre des tables d’Alphonse X



Les textes qui sont produits ici ont été remaniés depuis 2012 et sont le fruit d’un échange régulier entre Brigitte Mérigot (Aléa et ses jeux) et Aisling-1198.

Les traductions ont été réalisées par Brigitte Mérigot, Sylvestre Jonquay et Chloé Jonquay-Candéla d’après :

ALFONSO X EL SABIO, Libro de los juegos : acedrex, dados e tablas, Ordenamiento de las tafurerias, Biblioteca Castro, Fundacion Jose Antonio de Castro, Madrid, 2007, pp. 281-283


Puis elles ont été comparées aux traductions anglaises de

MUSSER GOLLADAY Sonja, Los libros de acedrex dados e tables : historical, artistic and metaphysical dimensions of Alfonso X’s book of games, Thèse de doctorat de l’Université d’Arizona, Département Espagnol et Portuguais, 2007;



f°72r

ICI COMMENCE LE LIVRE DES JEUX DE TABLES


NOUS PARLONS EN PREMIER DE COMMENT DOIVENT ÊTRE FABRIQUÉS LE TABLIER ET LES TABLES, ET DE COMBIEN ELLES DOIVENT ÊTRE, ET DE CE QUE SONT À CE JEU LA PRIME1 ET LE MATCH NUL, ET AUSSI DE COMMENT ILS NÉCESSITENT LES DÉS POUR S’Y GUIDER ET FAIRE SON JEU LE PLUS SUBTIL POSSIBLE.


Après avoir parlé des dés aussi complètement que possible nous souhaitons maintenant parler ici des tables, et comment elles pourraient nécessiter des dés pour jouer qui montrent le hasard, alors qu’elles doivent être jouées habilement par le raisonnement là où il le faut, et aussi par le hasard.


Ainsi, nous souhaitons parler d’elles à présent ici.


Et nous disons donc que le tablier sur lequel elles doivent être jouées doit être carré, et au milieu, il doit y avoir une séparation afin d’obtenir quatre quarts, et dans chaque quart, il doit y avoir six emplacements, qui ensemble font vingt-quatre.


Et comme dans certains pays ils fabriquent les emplacements des tabliers à plat, peints, et aussi les tables avec lesquelles ils jouent de forme carrées ou rondes, et qu’ils ne font pas d’endroit convenable pour les encastrer, pour ces raisons il fut jugé préférable d’ajouter au tablier des barres de bois, taillées à la manière de demie roues dans lesquelles les pièces, qui devaient être rondes, pouvaient s’intégrer.


Et aussi, de mettre une moitié des pièces d’une couleur et l’autre moitié d’une autre afin d’être reconnues les unes des autres. Et elles doivent être quinze de chaque couleur, pour que dans le premier quart du tablier on puisse en poser deux dans chaque emplacement et laisser les trois autres à l’extérieur pour gagner le jeu par prime ou obtenir un match nul2 si nécessaire, car sans ces dernières, cela ne serait pas possible.


Et pour cette raison, on place les tables doublées pour que, comme au jeu d’échec, le pion qui se retrouve seul séparé des autres et de leur protection peut-être capturé, de même au jeu des tables, si elles ne sont pas doublées, l’autre joueur qui obtiendrait le score qui conviendrait à cette case pourrait prendre cette table seule, et il n’y a personne qui la défende.


La prime (barata) des tables est lorsqu’un joueur capture tellement de tables à l’autre que ce dernier n’a alors plus de cases dans lesquelles les entrer alors il perd le jeu.3 Et le match nul est lorsqu’un joueur a peu de tables, qu’il les rentre et qu’aucun des deux joueurs ne peut plus jouer même s’il le souhaite.


De la même façon pour la prime qui ne pourrait pas se faire sans ces trois tables, en plus des douze premières.


Les dés sont indispensables aux tables, car, tout comme le corps ne pourrait se mouvoir sans les pieds, les tables aussi ne pourraient se déplacer sans les dés quel que soit la règle, car contraintes par les scores des dés, elles doivent jouer sur les emplacements qu’ils leurs indiquent.


Et le marquage du tablier est tel que les emplacements des quarts intérieurs du tablier s’obtiennent par les points des dés de cette façon, la première division du tablier contre l’oreille à côté de laquelle il n’y a pas d’emplacement4, est pour le six, et l’autre à côté est pour le cinq, et l’autre le quatre, et l’autre le trois, et l’autre le deux et l’autre le un.


Ainsi, celui qui voudrait compter à partir de cette case qui est près de la barre où il n’y a pas de cases5, vers le quart suivant du tablier qui se trouve à côté devrait faire un six pour la première case du quart d’à côté. Et ceci car on ne compte jamais la case où se trouve la table, car si elle se comptait et qu’il advenait un as,  elle se retrouverait sur cette même case et pour cela, les six et tous les autres scores doivent être comptés à partir de l’autre case, la seconde, qui se trouve à côté en avançant. Et de cette façon, les dés font courir les tables à l’intérieur, et font les jeux comme vous le verrez dans ce livre.


De plus, ceux qui souhaiteraient apprendre à jouer correctement doivent d’abord savoir combien de points amènent à chaque case, en ne comptant pas celle de départ.



Voir d’autres extraits du Livre des jeux en français.

 

 

 

 

 


contact : aisling – neuf.fr 

(remplacer le – par @)


  1. Ce terme barata n’a pas, semble-t-il, la même valeur à toutes les règles de tables. A l’Empereur, il correspond à la prime de 6 cases, position de blocage ultime sur six cases consécutives. La traduction en français moderne de ce terme semble être le terme prime. Sonja MUSSER GOLLADAY évoque l’ancien français barat ou barate qui a pu désigner « 1) ruse, tromperie, fourberie; 2) confusion et tapage : Granz barates e granz meslees (Wace); 3) élégance et ostentation; 4) divertissement » (Dictionnaire de l’ancien français jusqu’au milieu du XIVe siècle, Larousse, 1969, article « barat » et qui semble une bonne piste pour l’étymologie de ce terme barata désignant une stratégie gagnante. []
  2. La manera d’ellas, mañar : l’égalité, égaliser, faire match nul []
  3. C’est ici une autre définition de la prime qu’à la règle de l’Empereur. []
  4. MUSSER 2007 parle d’erreur de scribe, mais il me semble que les emplacements sans cases sont deux, le bord et la barre centrale, et qu’entre ces deux phrases, celle-ci et la suivante, il s’agit justement des deux et pas forcément d’une erreur de scribe. []
  5. Le bord []

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