Les couleurs disponibles pour l’apparition d’un code




Last updated: mardi 22 décembre 2015


La couleur est un élément essentiel de la composition d’un blason. « L’éclatement du vieux système ternaire hérité de l’Antiquité classique et appuyé sur la double opposition blanc/noir et blanc/rouge, fait place, après l’an mil, à de nouveaux systèmes où toutes les couleurs peuvent désormais prendre place et parmi lesquels s’imposent progressivement les échelles hiérarchiques et linéaires. »1 Ainsi, à la trinité « blanc-rouge-noir » viennent s’ajouter essentiellement le bleu, le vert et le jaune. Au XIIème siècle, on assiste à une véritable renaissance artistique et le bleu connaît un essor incroyable en devenant un attribut marial2.


A cette époque, le système était encore composé de la gamme restreinte des six couleurs. Nous verrons plus loin leur symbolique et leur nom ainsi que leur répartition dans quatre groupes d’émaux : les couleurs,  les métaux, les fourrures et les inclassables.



Ce sont les bannières et tout le système vexillaire3 qui ont fourni les couleurs et leurs associations possibles.


La connaissance statistique des utilisations des couleurs dans les vêtements d’une région pourrait permettre de savoir si cette donnée a pu influencer les choix de ces premières couleurs.


De nombreuses questions restent en suspens : est-ce que les zones géographiques où on utilise beaucoup de fourrures correspondent aux zones où on emploie des fourrures en héraldique comme aujourd’hui l’hermine est liée à la fonction de juge ? Y a-t-il une répartition géographique ou sociale des émaux ?



Les émaux peuvent être qualifiés de :

  • politiques : qui illustrent un lien entre le porteur d’armoiries et un groupe quel qu’il soit (lien vassalique …) surtout aux XII et XIIIème siècles (le plus souvent par association de plusieurs émaux. Couple gueules et or pour les rois d’Angleterre avant leurs prétentions au trône de France) ;
  • qualificatifs ou « parlants » : exemple, lorsque le sire de Martel porte de gueules à trois marteaux or4  ! ;
  • symboliques : exemple, l’eau est toujours bleue ou blanche, ou le renard est toujours de couleur rouge.

Enfin, le cas échéant, leur choix appartient au seul porteur de l’écu.





Les quatre groupes d’émaux sont :

 

  • les couleurs : sable (noir), gueules (rouge), azur (bleu), sinople (vert), orangé, pourpre (violet), brun, tanné, sanguine, carnation, bis, senois, fer…

 

  • les métaux au nombre de deux : or (jaune) et argent (blanc) ;

 

  • les fourrures : hermine, contre hermine, erminois, pean, vair, contre vair, vairé. En Angleterre on trouve aussi le potencé et le contre potencé, le papelonné, les pannes ou le plumeté ;

 

  • les inclassables : diapré, paillé, ombré.



Les couleurs disponibles, schéma Aisling-1198



Couleurs disponibles, panneau de l’exposition sur les blasons des seigneurs normands, Aisling-1198




1- Les couleurs héraldiques :


A – Les couleurs fréquentes :



  • « noir » (au XIIème siècle jusqu’au milieu du XIIIème siècle) puis  « sable » : couleur noire, symbole((Les symboliques des couleurs, ne serait-ce qu’au Moyen Age, étaient multiples et non restrictives. Nous en donnons quelques unes à titre indicatif;)) de tristesse

 

  • « gueules » ou « vermeil » (et « sinople » jusqu’ au milieu XIIIème siècle) : couleur rouge, symbole de courage, de force mais aussi d’orgueil.
  • « azur », « bloi », « inde », « pers » : couleur bleue, symbole de loyauté et de fidélité. « azur » provient du persan « lâdjeward » et désigne le lapis-lazuli, pierre précieuse bleue dont on extrait les pigments pour l’enluminure.
  • « vert » puis « sinople » (à partir de milieu XIIIème siècle) :  couleur verte, plus rare, symbole de joie, de gaieté et d’insouciance. On la retrouve sur les figures  à partir de la fin du XIIème siècle et sur le champ à partir de la moitié du XIIIème siècle. Le changement de terme de vert à sinople fut opéré pour distinguer dans l’oralité le vert couleur du vair fourrure.
  • « orangé »
  • « pourpre » : couleur d’abord gris-brun puis, à partir du XVème où l’on redécouvre la signification du mot « pourpre », violet ou rouge violacé, emploi exceptionnel, très rare jusqu’au XVIIIème, symbole de souveraineté



 

B – Les autres couleurs d’un emploi très rare :

 

 


Le « bis » est une couleur très proche du « pourpre » du XIIIème siècle, gris-brun. Elle disparaît du vocabulaire héraldique vers 1260-1270, au moment où se répand le terme de « pourpre » dans les armoriaux.


En France, on voit apparaître à la fin du XIVème siècle, le « senois », de couleur rouge-brun. Il servait pour les détail des animaux. Toujours en France, on créa la « carnation », après le XVIIème siècle, qui comme son nom l’indique servait à représenter la chair de couleur rose ou beige rosé.


En Angleterre, le « tanné » est de couleur orange foncé et la « sanguine » de couleur rouge sang.


En Allemagne, le « fer » est de couleur grise et le « brun » est de couleur marron pour représenter le pelage des ours très fréquents et quasi spécifiques de l’héraldique allemande.


Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive, on pourrait encore citer les émaux : « brunâtre », « amarante », « cendré », « bleu ciel »…


A partir du XVIIème, les figures sont représentées de plus en plus dans leurs vraies colorations, on dit alors qu’elles sont blasonnées « au naturel » .




2 – Les métaux :


 

Sur les boucliers, il y avait des pièces métalliques qui servaient de renforts pour éviter que le bois n’éclate. Ne pourrait-on en déduire que l’emploi de termes métalliques dans la composition héraldique en tire leur origine ? Il y a eu des influences croisées entre les positionnements de ces pièces de métal sur les boucliers et certaines pièces géométriques héraldiques.


 

  • « or », « sor » ou « safrin » : couleur jaune, symbole de noblesse et de richesse.

  • « argent » : couleur blanche, symbole de pureté et d’innocence.



3 – Les fourrures :


Aux XIème et XIIème siècles, les chevaliers recouvraient parfois leur bouclier de fourrures pour les protéger et les orner.


En ancien français, le mot fourrure signifie le mot doublure des capes et autres manteaux.


Les fourrures en héraldique sont le regroupement de deux émaux respectant les lois héraldique. Elles associent : une couleur et un métal. Elles font leur apparition dès la seconde moitié du XIIème siècle. Les symbolisations des différentes fourrures ont considérablement évolué à travers les siècles.


Les fourrures : l’hermine, la contre-hermine, l’herminé (erminois lorsque c’est d’or herminé de sable), contre herminé (pean lorsque c’est de sable herminé d’or), le vair, le contre-vair, le papelonné, les pannes.


Le vair : fourrure composée de dos (bleu-gris) et de ventre (blanc) d’écureuil. On utilise en héraldique moderne le terme de vair pour quatre ou cinq tires (ou rangées horizontales), lorsque le nombre de tires  diminue, les « clochettes » de vair augmentent en volume et prennent le nom de « beffroi ». Lorsque l’animal apparaît de façon naturaliste sur l’écu on le qualifie de « découpé ».


L’hermine : fourrure rare et très prisée au Moyen Âge. C’est un animal à pelage variable, marron du printemps à l’automne et blanche de la fin de l’automne à l’hiver. C’est le pelage blanc qui est recherché et brocardé de touffe noire que constitue la queue de l’animal.


Le « papelonné » : il est assimilé aux fourrures de par sa bichromie et il est symbolisé par des rangées de croissants.




 

 

 

4– Les inclassables :

 


Parmi les inclassables, rarissimes, voici les plus fréquents : le diapré, le  paillé et l’ombre héraldique.


  • Le diapré ne fait pas partie des armoiries en tant que couleur à part entière. C’est une sorte de damasquinure formée de rinceaux et autres arabesques afin de rompre la monotonie d’un champ ou d’une pièce.

  • Le paillé est la représentation stylisée d’une étoffe arabe brochée d’or sur fond le plus souvent vert (sinople) et la brochure est à base d’animaux enfermés dans des cercles réunis par des entrelacs.

  • L’ombre héraldique consiste à représenter une figure uniquement par son contour lorsque le champ sur lequel elle se situe est de même couleur.

 

5– Les règles d’emploi des émaux dans les armoiries :



 

La règle fondamentale d’emploi des couleurs interdit de superposer ou de juxtaposer deux couleurs appartenant à un même groupe donc il est interdit de mettre un métal sur un métal et une couleur sur une couleur.

 



Les seules exceptions à cette règle tolérées sont pour les détails, par exemple les griffes ou la langue, ce qui donne naissance à des qualificatifs tels que « armé », « lampassé »…



 

Cette règle est appliquée dès le début de la création des armoiries, essentiellement dans un souci de lisibilité. Elle découle bu bon sens pratique de mettre du clair sur du foncé ou du foncé sur du clair.


Le vert et le noir sont deux couleurs, par exemple, qui juxtaposées ou superposées ne tranchent pas assez.


Les fourrures en revanche n’obéissent pas à cette règle. Elles peuvent ainsi se jouxter ou se superposer…


Les limites de cette règle :


  • dans un écartelé ou les partitions tripartites, il devient difficile de ne pas juxtaposer des émaux du même groupe. Cependant, comme nous le voyons dans la planche sur les combinaisons des armoiries, un écartelé est la partition de deux écus armoriés dans laquelle chaque quartier à une existence héraldique propre. Exemple  des armes de l’Angleterre sur le Quart-Noble frappé vers 1344 : écartelé aux 1,4 aux armes de France (d’azur semé de fleur de lys d’or) et aux 2, 3 aux armes d’Angleterre précédentes (de gueules aux trois léopards d’or)

 

  • Les brisures et les petits détails peuvent déroger à cette règle.

  • Les figures brochantes sur un fond d’émaux alternés ne permettent pas le respect de cette règle.


Les règles héraldiques ne fixent pas de nuancier à respecter, c’est à dire qu’un bleu outremer est aussi valable qu’un bleu turquoise ! Néanmoins, il est à noter :


  • pour le rouge c’est un vermillon franc et éclatant

  • pour l’or et l’argent ce sont le plus souvent le blanc et le jaune pâle qui sont utilisés, plus agréable pour l’œil que les métaux argentés.



 

Les armoiries ne respectant ces règles sont dites à enquerre,

cela représente moins de 5% des armoiries globales déjà recensées à ce jour.

Les plus célèbres sont celles de la ville de Jérusalem constituées de deux métaux :

« d’argent à la croix potencée d’or cantonnée de 4 croisettes de même ».

 




Blanche

Last updated: mardi 22 décembre 2015





Contact : aisling – neuf.fr

(remplacer le – par @)




Notes:

  1. Figures et couleurs. Etude sur la symbolique et la sensibilité médiévales. Michel PASTOUREAU, Edition Le Léopard d’or, 1986, p. 44-45 []
  2. Pastoureau, Op. Cit., p. 109 []
  3. drapeaux, bannières, étendards, enseignes… []

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