LION-LEOPARD :


contresceau royal équestre de Richard Cœur de Lion, 1189, Blanche, encre sur parchemin, Aisling-1198

Le lion


Le léopard







Tout d’abord dans une société empreinte de symbolisme, il nous  semble fondamental de revenir sur ceux du lion et du léopard. En quoi diffèrent-ils, en quoi se rapprochent-ils ? Parle-t-on du même animal ?









Le Lion :



Tout au long de la période de la Grèce antique avec les fameux jeux romains ou durant le Moyen-Âge, le lion était une espèce abondante dans le bassin méditerranéen, il n’était pas cantonné dans les espaces sahariens comme aujourd’hui.



La principale caractéristique du lion est sa force, qui fait d’ailleurs peut être force de loi, ce qui renforcerait l’idée du lion en tant que roi des animaux.


Livre des juges : « Qu’y a-t-il de plus doux que le miel et de plus fort que le lion ? » (Jacques 14-18)



Si il est un symbole de force, il est aussi un symbole de vigueur au Moyen Âge.



C’est aussi un symbole solaire grâce à sa crinière hérissée de rayon, ainsi sa crinière est d’or. Souvenez-vous du choix des émaux de Richard pour son sceau royal de 1189 à 1194 : deux lions affrontés d’or1.



Cet animal, roi des animaux dans la savane, deviendra, par métaphore, christique. En effet dans l’Apocalypse (Apocalypse 5,5) Jésus est ainsi dénommé : « le lion de la tribu de Juda ». Le lion, en Occident, détrônera ainsi le sanglier et l’ours. Son puissant rugissement est analogiquement l’expression de la « fureur du roi ». nous voyons se dessiner ici un trait de caractère du Lion : la fureur ou la colère.


« Comme le rugissement du lion, la fureur du roi » livre des Proverbes (19,12 et 20,2)


Richard Cœur de Lion était réputé, aux dires de ses contemporains, pour ses colères aussi violentes et rapides qu’un orage d’été2. Certes, le Cœur de Lion est connu pour sa vaillance et son courage mais ne reflèterait-il pas plusieurs facettes de ce fabuleux animal ?



Il est considéré aussi comme une bête féroce et cruelle, toujours en quête d’une proie à tuer.


Le lion est symbole du démon, par exemple dans l’ancien Testament : « sauve-moi de la gueule du lion. » (Psaume 22,22). Dans le cantigas de la Santa Maria n° 47 : « Le lion qui rôde à la recherche de sa proie est identique au démon qui guette le pêcheur. »


Dans son sermon (263,2) Saint Augustin dit : « On a appelé Notre Seigneur Jésus Christ à la fois lion et agneau : lion pour sa force, agneau pour son innocence ; invincible comme un lion, doux comme un agneau. Cet agneau égorgé a vaincu par sa mort le lion qui cherche qui dévorer. Le diable aussi est appelé lion, pour sa férocité, non pour son courage. »


Enfin pour en terminer avec le côté obscur de la férocité du Lion, dans l’iconographie médiévale la bouche de l’enfer est souvent représentée par une gueule de lion et le diable est souvent symbolisé par un lion.




Ce dégage ici une dualité entre l’animal christique (repris comme emblème de Saint Marc) noble, courageux et fort et l’animal diabolique, sanguinaire, féroce et indomptable. Les symboles ont deux grands traits qui les caractérisent : premièrement ils sont très souvent duals exprimant indistinctement le bien ou le mal et deuxièmement, chacun y puise sa vérité ainsi de la dualité naît la diversité et la richesse : du lion assouvissant ses bas instincts animaux au lion noble et courageux !



Il peut être aussi :


  • clément,
  • assoiffé d’un désir de vengeance pour celui qui l’a blessé,
  • orgueilleux,
  • vorace : il peut même dévorer ses petits ce qui renforce l’idée du diable.

A contrario, une légende raconte comment une lionne a redonné le souffle de vie à ses petits morts nés et ce, trois jours après leur venue au monde, symbole de la résurrection du Christ,


  • prudent : dans les Bestiaire d’Oxford et de Cambrai, on précise que le lion lorsqu’il se sent traqué, efface alors ses traces à l’aide de sa queue,
  • vigillant : il dort les yeux ouverts …



Le Léopard :



Léopard, réalisation Aisling-1198



Dans les bestiaires médiévaux le léopard et la panthère, pourtant très proches zoologiquement parlant sont considérés comme deux animaux différents.


Le léopard, dans les bestiaire médiévaux, serait en revanche un bâtard imaginaire, dégénéré, issu de l’adultère entre une lionne et un pard ou pardus3 ou bien un lion et une parde, selon Saint Isidore de Séville : « leopardus ex adulterio leaenae et pardi nascitur » (Etymologiae livre XII, Des animaux)


Il est symbole de vaillance, de célérité mais surtout de férocité et considéré comme indomptable. Il est aussi avide de sang et mortifère que son géniteur.


En rupture avec cette idée, Cascante affirme qu’en héraldique le léopard représente : « les vaillants et courageux guerriers qui ont terminé une audacieuse entreprise avec promptitude et victorieusement. »



 

Le lion sera surtout valorisé après l’An mil. On ne retiendra de lui que sa force, son courage et sa noblesse. Néanmoins, il reste son pendant négatif : le lion cruel, sanguinaire et diabolique, on ne peut rigoureusement plus les associer.



C’est au cours du XIème et XIIème siècles que les imagiers du Moyen Age trouvent la solution :

créer ou plutôt reprendre un animal imaginaire qui serait un rejeton bâtard du lion

pour lui faire endosser la peau du lion-diable, le léopard.



 

Il possédait tous les attributs du lion sauf la crinière, qui souvenez-vous, conférait au lion un caractère solaire, pourrait-on en déduire que le léopard serait ainsi rattaché à la lune, symbole féminin s’il en est.



Comment imaginer qu’un roi aussi puissant que Richard Cœur de lion, qui porte un nom si significatif, ayant prit deux lions affrontés pour son second sceau, étant parti pour la 3ème croisade fervent défenseur du christianisme et investi des prémonitions de l’ermite… aurait-il pu choisir un animal aussi diabolisé que le léopard ?


Il semblerait, selon Michel Pastoureau, que le léopard héraldique de Richard Cœur de Lion n’aurait été entaché de la connotation symbolique d’icelui qu’au XIIIème siècle, à partir du moment où la langue du blason se spécialise et par conséquent où l’on distingue un lion animal regardant toujours de profil d’un léopard regardant toujours de face.



Jusqu’au milieu du XIVème siècle les lieparts en anglo-normand ne pose guère de problème, on se sert même de leur férocité pour effrayer les ennemis.



Ce sont les railleries des hérauts d’armes français tout au long de la guerre de Cent ans qui ont conduit les anglais à modifier les léopards Plantagenêt en lions Plantagenêt.



A cette même période dans certains romans arthuriens, on retrouve opposés deux chevaliers l’un, pur à l’écu au lion et le félon, à l’écu au léopard. Dans une société, où le roman de chevalerie est très prisé, cela devient une arme de propagande contre les Anglais.



Vers les années 1360-1370, on constate un très net revirement, les hérauts d’armes au service du roi d’Angleterre ont été priés de débarrasser les armes d’Angleterre de cette association symbolique gênante en transformant le léopard en lion passant (au lieu de rampant dans sa position traditionnelle) gardant de face (au lieu de regardant de profil) ainsi notre léopard redevenait un lion. Une enluminure anglaise du XIVe siècle  abonde dans ce sens, afin de réhabiliter les armes d’Angleterre c’est Saint Georges, saint patron de la chevalerie avec Saint Michel, qui remet au roi d’Angleterre un écu armorié avec les trois nouveaux lions. Cette nouvelle détermination sera définitivement adoptée sous le règne de Richard II à la fin du XIVème siècle, en effet ne pouvant changer d’armoiries sans perdre la face, il changea simplement de blasonnement.

 

 




Blanche


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(remplacer le – par @)



Notes:

  1. « Le roi bondit sur sa monture et s’installa sur une selle étincelante d’or, de rouge brillant et de beaucoup d’autres teintes scintillantes intermédiaires. A l’arrière de la selle, une paire de petits lions dorés, rugissants se faisant face, chacun d’eux portant une patte de devant étirée vers l’autre comme pour s’entredéchirer. » épisode de Chypre en 1191, Itenerarium Peregrinorum et Gesta Regis Ricardi, []
  2. FLORI Jean, Richard Cœur de Lion : Le roi-chevalier, Biographie Payot, 2002. []
  3. Leo : lion ; pardus : panthère. Cette dernière est au Moyen Age un animal imaginaire. []

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