Les sceaux




Last updated: mardi 22 décembre 2015


sceau équestre de Henri II, tracé Blanche, encre sur parchemin

Nous venons de dégager la nécessité d’identification dans l’usage militaire cependant c’est l’homme dans la société toute entière qui cherche une identité et un emblème qui le différencieraient de son voisin. La société est une superposition de plusieurs systèmes de plus en plus vaste, de l’individu à la famille, de la famille au clan, du clan au village, du village à la seigneurie et de la seigneurie au royaume. L’homme doit s’y repérer et s’y intégrer à l’aide de symboles universellement reconnus, ou du moins, reconnus dans la civilisation usitée.


Nous sommes dans la totémisation chère à Claude Lévi-Strauss, ce sont les points de repère idéologiques que l’individu utilise pour se guider.




Vers 1120-1140, on voit apparaître les premières pratiques patronymiques. A cette période s’effectue une désexualisation du costume : hommes et femmes portent des vêtements longs.


Le langage des imagiers médiévaux se complexifie, la hiérarchisation des personnages à l’intérieur des enluminures est de plus en plus évidente1. On peut supposer qu’il en est de même à l’intérieur de la société.


Depuis le IVème millénaire, en Mésopotamie, on scelle des documents. De nombreux passages de la Bible font référence à des sceaux, enfin, les Romains utilisaient déjà des anneaux sigillaires.


A l’époque des rois mérovingiens, l’usage du sceau privé diminue en occident.


Jusqu’au Xème siècle, sceller reste un acte royal, puis les prélats ecclésiastiques allemands usent à leur tour de sceaux. Viennent enfin les grands feudataires de France du Nord : Duc de Normandie, Comte d’Anjou… qui scellent eux aussi à partir du XIème siècle.


Aux XII et XIIIème siècles, l’usage se répand géographiquement et dans toutes les couches de la population : rois comme paysans ont le droit de sceller. C’est d’ailleurs en Normandie que l’on trouve le plus grand nombre de sceaux de paysans2.



Un acte non scellé, à cette période, est d’ailleurs considéré comme suspect et peu digne de confiance.



A partir du milieu du XVème siècle, l’emploi du sceau décline et ce pour deux raisons majeures : tout d’abord, avec la progression de l’enseignement, on retrouve l’usage de la signature ; puis avec le développement notarial, il n’est plus besoin de sceller un document pour attester de sa véracité. Il suffit de l’établir devant un notaire, garant de la loi.


Au XVIIème siècle, il ne reste plus que les souverains, prélats, villes et certaines abbayes qui scellent. A cette même époque apparaît le cachet qui sera utilisé jusqu’au début du XXème siècle ; à l’instar du sceau, le cachet n’a aucune valeur juridique.



Le sceau a de tous temps véhiculé trois sémantiques : fermer et garder le secret ou l’intégrité d’un contenu, affirmer la possession d’un objet scellé et valider et/ou authentifier un acte écrit.


C’est ce dernier sens qui retiendra notre attention.


Sceller un document engage la responsabilité juridique du détenteur du sceau. C’est le plus souvent dans un système de protectorat sous forme de garantie juridique en obligeant le contractant. Le sceau remplace dans une certaine mesure la  signature officielle.


Pour éviter la contrefaçon de sceau, il a été mis en place un système de sceau et de contre sceau3 sur l’avers.


Le sceau d’un document le situe géographiquement et permet de le dater dans un intervalle de temps donné.


Il est de coutume de détruire la matrice à la mort du possesseur du sceau.


Le sceau : c’est l’empreinte laissée par une matrice personnelle dans un matériau meuble, le plus souvent de la cire. Jusqu’au début du XIIème siècle, il n’y avait pas d’ajout de colorant à la cire. A la fin du XIIème siècle, on la colorait souvent en blanc en ajoutant du plâtre, en rouge ou en vert. A la fin du Moyen Age, on utilisait aussi de la cire jaune et de la cire marron et plus rarement de la noire. La couleur de la cire ne semble guère avoir une codification particulière cependant certaines chancelleries fixèrent des utilisations spécifiques pour chaque couleur. On peut citer le cas de Philippe Auguste qui demanda à ce que l’on utilise la cire verte pour les actes royaux solennels et à effets perpétuels et la cire jaune pour les actes ordinaires et restreints dans le temps.


Jusqu’au XIIIème siècle, la cire est bon marché ainsi la taille et l’épaisseur du sceau atteignent des dimensions spectaculaires. Le prix de la cire augmentant, le diamètre et l’épaisseur des empreintes diminuent. Ainsi à la fin du Moyen Age, les grandes matrices n’étaient plus utilisées que par les princes.


La matrice en métal, en pierre ou plus rarement en bois est gravée principalement en creux.


Il existe deux types de matrice : les matrices plates, les plus anciennes et les plus nombreuses jusqu’au début du XIVème siècle et les matrices présentant un appendice conique ou pyramidal pour des sceaux de petites tailles qui s’imposeront après le XIVème siècle.


Il existe deux formes très répandues de sceau : une en cercle, depuis toujours, et une en forme de navette ou de mandorle, utilisée à partir du Xème siècle. Cette dernière est plus commode pour montrer les personnages en pied.



 

La fabrication de la matrice était un travail long, délicat et très coûteux c’est pour cette raison que certains réutilisaient la matrice du père au lieu de la détruire en modifiant la légende.


L’empreinte se constitue de deux parties : le type (l’image que l’on voit) et la légende (texte autour du type).


Type « en majesté » : c’est le type royal par excellence, il fait son apparition autour de l’an 1000 car sur les sceaux carolingiens les rois étaient représentés de profil et couronnés. Le plus ancien sceau français en majesté est celui du Roi Henri Ier sur un document de 1035. On utilisera des sceaux en majesté du XIème siècle jusqu’au règne de Charles X (1757-1836).


Type « équestre » : le seigneur est représenté en armes et sur son destrier. Il fut d’abord utilisé par les dynastes, puis au XIIème siècle, par les seigneurs de guerre ayant un fief, pour enfin s’étendre lors de la première moitié du XIIIème siècle, à tous les chevaliers.


Type « armorial » : les armoiries en sont l’unique sujet. Aux XII et XIIIème siècles, les armoiries sont seules puis fin XIIIème (1270-1280) on voit apparaître les supports. Enfin, ils furent surmontés d’un heaume à cimier. Après le début du XIVème siècle, l’écu est systématiquement représenté penché accosté de deux supports et surmonté d’un heaume à cimier.


Il existe d’autres types : hagiographiques, sceau des villes, des ecclésiastiques, symboliques ou dits  « de fantaisie ».


Les personnages sont stéréotypés jusqu’au XIVème siècle puis se pose le problème de portraitisation liée à la représentation de plus en plus naturaliste.



La légende débute par un symbole initial (croisette, étoile, fleuron…), elle contient le nom et le titre ou profession du porteur du sceau et tout comme les parchemins comporte énormément d’abréviations. Jusqu’à la fin du XIIème siècle, la légende est en latin puis au XIIIème siècle, c’est le début de l’utilisation de la langue vulgaire.


Les lettres ne sont point gravées en direct mais poinçonnées une à une à l’envers ce qui induit un certain pourcentage d’erreurs ou d’oublis.


Les sceaux, de la fin du XIème siècle aux deux tiers du XIIème siècle, ne contiennent pas de représentations héraldiques pour trois raisons :




1 –
empreinte où l’écu est vu de face interne ce qui est la position normale lorsque le cavalier chevauche vers la droite
2 –
empreinte vue de face ou de profil sans représentation de bouclier ;
3 –
empreinte où l’écu porte une image avec un bouclier à bordure

Sceau équestre de Henri II

Sceau en majesté

de Richard Cœur de Lion4 de 1189

Sceau de Simon Ier duc de Lorraine,5

duc de 1115 à 1139.




Blanche

Last updated: mardi 22 décembre 2015





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Notes:

  1. langage de l’image au Moyen Âge, François Garnier, Le Léopard d’or []
  2. figures et couleurs. étude sur la symbolique et la sensibilité médiévales, Michel Pastoureau, Le Léopard d’or, 1986 []
  3. le premier contre sceau armorié date de 1178, il s’agit de celui du Comte Conon de Soissons Etudes héraldiques, Miscellanea Heraldica II, Louis Bouly de Lesdain, le léopard d’or, 1983 []
  4. sceau appendu à un « writ » confirmant une donation d’Henri II à Henri de Berneval, Westminster, 13 nov. 1189. []
  5. c’est le plus ancien sceau ducal conservé en Lorraine. Simon Ier et Rambaud Prévôt et le Chapitre de la Collégiale de Saint Dié fixent les droits et obligations de cette église par cette charte-partie. []

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